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 La reproduction des cichlidés du lac Malawi

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MessageSujet: La reproduction des cichlidés du lac Malawi   La reproduction des cichlidés du lac Malawi Icon_minitimeJeu 21 Fév 2008, 23:02

Les cichlidés sont passionnants parce qu'ils ont des modes de reproduction variés et très étonnants. Demandez autour de vous quelle est la meilleure façon pour un poisson de protéger ses oeufs et ses alevins. On vous répondra de les cacher, d'éloigner les prédateurs, mais rarement on aura l'idée de vous dire : les mettre à l'abri dans la bouche d'un des parents. Chez les cichlidés, l'incubation buccale, aboutissement d'un long processus a non seulement préservé les espèces, mais également aidé à une meilleure sélection génétique. Les mâles n'assurant plus la garde des oeufs et des alevins, étaient disponibles pour féconder plusieurs femelles. Celles-ci n'étant plus obligées de prendre les mâles qui restaient disponibles, ont sélectionné ceux qui avaient un meilleur patrimoine génétique. Mais l'incubation buccale n'est qu'une étape dans la reproduction des cichlidés du Malawi et nous allons envisager ici différents paramètres qui entrent en jeu.


LA RECONNAISSANCE DU PARTENAIRE

Etape primordiale qui permet de rapprocher les deux futurs parents, la reconnaissance du partenaire vient le plus souvent de la femelle. En effet, les mâles attendent généralement près de leur site de ponte le passage d'une femelle gravide. Celle ci doit arriver à repérer le mâle de son espèce, souvent au milieu de plusieurs espèces (jusqu'à soixante dix espèces de cichlidés) fréquentant le même habitat. Et la chose se complique lorsque plusieurs espèces identiques se partagent un biotope: à Lupingu (Tanzanie), pas moins de sept espèces de Tropheops vivent à moins de 25 mètres les unes des autres. Plusieurs paramètres vont donc rentrer en jeu pour que la femelle reconnaisse son partenaire : l'aspect et les couleurs du mâle, son territoire, son site de ponte, sa parade, etc...
Dans des cas plus rares, c'est le mâle qui reconnaît la femelle de son espèce: à Domwe Island les zones de reproduction d' Oreochromis lidole et d' Oreochromis karongae se superposent. Les mâles des deux espèces sont noirs, mais les femelles sont différentes. On pense que ce sont les mâles qui reconnaissent les femelles et non pas l'inverse. De même, à Likoma, plusieurs espèces d'utakas à taches cohabitent. Les mâles Copadichromis jacksoni ne courtisent que les femelles à deux taches, ignorant ou chassant celles sans tache, à une, trois ou quatre taches.
Chez les cichlidés qui n'ont pas de différence nette entre les patrons de coloration des mâles et des femelles (Iodotropheus sprengerae), le mâle ne surveille pas de territoire et n'a pas de site de ponte particulier. Il doit alors parader devant la femelle pour qu'elle le reconnaisse. Ses couleurs sont alors plus vives que celles des femelles et que celles des mâles dominés.
Le comportement particulier d'une espèce peut également attirer les femelles: chez le Genyochromis, les partenaires se reconnaissent facilement puisqu'ils passent leur temps à manger les nageoires des poissons qu'ils croisent, chose peu fréquente parmi les centaines d'espèces de cichlidés du lac.
Des paramètres qui nous échappent encore entrent en jeu dans la reconnaissance du partenaire:
- Les femelles O ou OB reconnaissent les mâles de leur propre espèce qui eux ne sont pas O ou OB la plupart du temps (encore que chez les Labeotropheus, on trouve des forme O et OB dans les deux sexes). Mais alors, comment un mâle peut faire la différence entre deux femelles O ou OB de deux espèces différentes? La coloration n'est donc pas l'unique moyen de reconnaître un partenaire de la même espèce.
- Les femelles gravides ont une tendance naturelle à se rapprocher des mâles: dans l'habitat intermédiaire, les mâles Aulonocaras sp. "chitante" ont un territoire à 25 mètres de profondeur, alors que les femelles évoluent à 3 mètres de la surface. Seules les femelles voulant pondre vont descendre vers les mâles et déposer les oeufs dans un trou de ponte. L'instinct les pousse à descendre vers le sol où elles savent trouver un partenaire
- Enfin,les phéromones n'ont pas assez été étudiées chez les cichlidés, mais doivent jouer, comme pour toute espèce animale, un rôle très important.


LA PERIODE DE REPRODUCTION

Chez beaucoup d' espèces, il n'y a pas de période de reproduction, le frai se fait tout au long de l'année. C'est le cas de tous les mbunas (Pseudotropheus, Maylandia,. Cynotilapias, ..), des Aulonocaras...
D'autres espèces ne se reproduisent qu'à une certaine période de l'année: le Protomelas kirkii semble ne se reproduire qu'en août et septembre tout comme le Nyassachromis prostoma et le Nyassachromis breviceps, les Lethrinops en général (Lethrinops furcifer de mai à août, Lethrinops microstoma d'août à novembre...) Oreochromis squamipinnis de novembre à mars, Oreochromis karongae et Oreochromis lidole d'août à mars, etc... Chez le Copadichromis chrysonotus, la reproduction s'interrompt de décembre à avril, lors de la saison des pluies.
Parfois, la période de reproduction n'a lieu qu'à un certain moment de la journée:
Les mâles reproducteurs Protomelas similis restent sur leur site de ponte le matin et rejoignent dans la journée les groupes d'individus qui s'alimentent. Les Fossorochromis rostratus mâles sont en robe de frai le matin seulement, le reste de la journée est passé à la recherche de nourriture. Les Aulonocara frayent le plus souvent dans des grottes, mais trouvent leur nourriture sous le sable. Comme la reproduction a lieu tout au long de l'année, les mâles sont bien obligés de quitter le territoire de ponte pour s'alimenter.
En règle générale, toutes les espèces sabulicoles quittent leur site de ponte pendant la nuit.


LES COULEURS DES MALES

Un cichlidé mâle du Malawi présente des colorations différentes selon son âge, son statut de dominance et parfois selon la période de reproduction.
- Les mâles alevins et les sub adultes ont la même couleur que les femelles.
- Les mâles dominés essaient de passer inaperçus pour ne pas se faire agresser. Ils perdent leurs couleurs, pouvant parfois passer pour des femelles
- Les mâles dominants sont très colorés.
Dans un espace donné, un seul des mâles est dominant. Si l'espace est assez grand, plusieurs mâles dominants occupent chacun un territoire. Les mâles dominants sont alors très colorés et paradent pour attirer les femelles.
- Chez certaines espèces la période de reproduction influence la coloration des mâles:
Fossorochromis rostratus ne se reproduit qu'à certaines périodes. Les mâles habituellement gris-jaunes avec des reflets cuivrés, vert et des nageoires bleues modifient leurs couleurs: ils deviennent noirs sur la partie ventrale, la nuque vert argenté.
On a observé des mâles Nimbochromis linni en parure de frai pendant toute l'année, alors qu'il ne se reproduit que pendant un à deux mois. Il pert alors ses couleurs de camouflage de prédateur et prend une belle couleur bleue foncée, sa nageoire anale perdant les très larges ocelles orange qui sont remplacées par une couleur rouge foncé avec un liseré jaune et quelques leurres jaune-blanc en forme d'oeufs.
Ce n'est que pendant la saison de la reproduction que les mâles Ctenopharynx pictus et intermedius se colorent en bleu clair, le reste du temps ils ont une couleur pâle, laissant apparaître trois taches sur le corps.
Pour certaines espèces il n'y a pas de modification de coloration des mâles durant la période de reproduction, tout au plus des couleurs plus vives (Lethrinops )
- Chez certaines espèces, les mâles dominants et dominés restent très colorés tout au long de l'année. C'est le cas du Sc.fryeri et du Labidochromis caeruleus. Les femelles sont alors attirées vers les mâles non plus par leurs couleurs, mais par leur comportement.


CERTAINS MALES NE S'ALIMENTENT PAS pendant la période de reproduction

C'est le cas de certains piscivores comme le Stigmatochromis modestus , le Nimbochromis polystigma qui gardent un site de ponte, ne pouvant donc pas rechercher de la nourriture sans abandonner leur site. Buccochromis heterotaenia défend également un site de ponte rocheux, mais on l'a observé courir après de jeunes proies pour se nourrir.
L'Hemitaeniochromis sp."spilopterus blue" s'abstient également de nourriture, mais à ce régime là, il ne peut tenir plus de deux mois. On a émis l'hypothèse qu'arrivé à la dernière phase de sa vie, il emploierait toute son énergie à la reproduction, jusqu'à mourir d'épuisement.


PARADE ET FERTILISATION DES OEUFS

Chez la plupart des cichlidés du Malawi, la fertilisation des oeufs s'effectue dans la bouche de la femelle.
On retrouve ce mode de fertilisation chez les espèces d'apparition récente dans le lac. C'est une adaptation à l' environnement pour éviter la prédation des oeufs, et ce d'autant que le biotope est très fréquenté.
Dans le cas le plus typique le mâle est positionné sur son territoire ou sur son site de ponte. Il attire l'attention des femelles par les couleurs de sa robe qui sont très vives et par un frétillement de tout son corps. Il se dirige vers une femelle gravide et l'attire par ses mouvements vers le site de ponte ( Otopharynx heterodon peut parcourir plus de 10 mètres hors de son site de ponte pour aller chercher une femelle). Si une femelle gravide accepte l'invitation, le mâle se positionne à angle droit avec elle, suivant la classique position en T. Tout en continuant de faire frémir sa nageoire anale, il émet son sperme (parfois visible) que la femelle aspire avant même d'avoir déposé son premier oeuf. A ce stade du frai, les ocelles (et plus rarement les tassels), leurres en deux ou trois dimensions, jouent probablement un rôle. Elle pond ensuite un à plusieurs oeufs qu'elle reprend aussitôt en bouche. La scène va se répéter à plusieurs reprises (émision de sperme puis ponte) jusqu'à épuisement du stock d'oeufs. Une fois la ponte terminée, le couple se sépare. La femelle s'isole et le mâle, souvent polygame, essaie de trouver une autre partenaire.
Quelques espèces fertilisent les oeufs avant la prise en bouche par la femelle
Ce sont des espèces qui ont gardé un mode de fertilisation archaïque (Astatotilapia calliptera, Sc. fryeri, Cyrtocara moorii, Mylochromis lateristrigra, Nimbochromis livingstonii et polystigma.....). A titre annecdotique, on a observé en captivité chez le Labeotropheus une fertilisation hors de la bouche.
Le mâle, par ses attitudes, incite la femelle à décrire des cercles sur le site de ponte. Au bout d'un moment, celle-ci pond un à plusieurs oeufs. Le mâle les fertilise pendant que la femelle les prend en bouche. Parfois le mâle les fertilise avant la prise en bouche ( Cyrtocara moorii ). La scène se reproduit à plusieurs reprises jusqu'à épuisement du stock d'oeufs. Lorsque le couple en entouré de prédateurs d'oeufs, la récupération des oeufs est très rapide.


COMPORTEMENT DES AUTRES CICHLIDES PENDANT UN FRAI

Les mâles de la même espèce que le couple qui fraie essaient d'empêcher la ponte, frustrés de voir une femelle gravide leur échapper et ainsi perdre la possibilité d'assurer une descendance. Mais la chose n'est pas facile car souvent la femelle a choisi un géniteur beau et vigoureux qui aura vite fait de faire fuir les autres prétendants.
Les oeufs étant une nourriture très nutritive, tous les cichlidés (et non-cichlidés du lac) essaient de voler les oeufs d'une ponte. Certaines espèces se sont même spécialisées dans le vol des oeufs, comme par exemple le Caprichromis liemi, le Caprichromis orthognathus. les Hemitaeniochromis ou le Naevochromis chrysogaster. C'est pourquoi les couples se cachent pour frayer et les femelles se dépêchent de prendre en bouche leurs oeufs. La fertilisation intra buccale est une assurance supplémentaire contre la prédation.

Saulosi
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